LawArtISSN 2724-654X
G. Giappichelli Editore

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Un tableau juridique de la nature: le discours juridique ou l´esthétique de la vérité. Un exemple au cœur du 19e siècle français (di Nader Hakim, Université de Bordeaux)


Cet article propose une brève esquisse de la façon dont les juristes élaborent un discours juridique qui présente la nature à la fois comme décor et acteur du monde juridique. A travers l’exemple de Charles Demolombe au 19e siècle, un lien est établi entre la représentation juridique de la nature et une certaine esthétique de la vérité.

DOI: 10.17473/LAWART-2020-1-3

A Legal Picture of Nature: Legal Discourse or the Aesthetics of Truth. An Example from the Heart of 19th Century France

This article offers a brief sketch of how lawyers develop a legal discourse that presents nature both as a setting and as an actor in the legal world. Through the example of Charles Demolombe in the 19th century, a link is established between the legal representation of nature and a certain aesthetics of truth.

- Bibliographie - NOTE


L’objet de ces quelques mots n’est pas de revenir sur l’immense thème des rapports entre droit et nature. La littérature sur le sujet est abondante et les opinions des juristes sont multiples et souvent contradictoires. Reste que l’on ne cesse d’être surpris en lisant les œuvres du passé comme du présent. Aussi peut-on proposer aux lecteurs de cette toute nouvelle revue une modeste et courte excursion dans le monde merveilleux du discours des juristes, un voyage immobile dans les contrées du juridique. Notre destination est la pensée juridique française du 19e siècle, ce lieu d’un classicisme bourgeois que l’on croit mort, mais qui ne cesse en réalité de peupler encore et toujours les textes juridiques et donc la culture des juristes d’aujourd’hui. Une pensée qui est le berceau d’un droit maîtrisé par un État qui gouverne ses populations et régule les relations sociales. Une pensée confiante dans ses capacités à appréhender le monde et donc résolument moderne en ce qu’elle croit à la possibilité d’une maîtrise scientifique parfaite, à la prévision et au contrôle, au règne de la raison et de la volonté.

Que cherchons-nous en particulier? Une fois arrivé à destination, les livres ouverts devant nous, dans la perspective d’un droit étudié comme une littérature [1], nous tentons de comprendre de quelle nature parlent les textes, nous essayons de reconstituer les cohérences supposées et les idées sous-jacentes, les trames et les schémas explicatifs.

Or, ce que le lecteur attentif peut remarquer est la composition, par ces juristes, d’un véritable tableau juridique de la nature. Cette toile de fond des droits, conventions, actes et procédures est constituée non seulement de normes mais également d’objets et de données qui sont prétendument naturels. Les juristes ne parlent pas que de droit, ils peuplent leurs discours de bien d’autres choses qui relèvent de leur environnement et de leur culture. Aussi s’agit-il bien d’un tableau juridique qui nous montre la nature telle que les juristes la représentent dans leurs discours.

Pour être bien clair, il faut relever que dans un schéma romano-canonique devenu romano-bourgeois [2], les juristes pensent le droit comme une interaction entre des personnes et des objets et, bien-sûr, entre les personnes entre-elles. Ces personnages, comme les choses, sont des êtres de nature au sens où l’objectif du droit est bien de résoudre des conflits et donc produire des conséquences sur le monde physico-chimique. Il y a bien, au départ, des acteurs de chair et de sang, des êtres biologiques, et il y a des choses qui appartiennent au monde biologique, chimique et physique. Très vite cependant, ces êtres deviennent des personnes et les choses deviennent des biens car ils entrent tous dans des catégories juridiques et nous passons, presque aussitôt, du monde physico-chimique aux abstractions de la raison juridique. Dans un geste que la philosophie grecque a transmis aux juristes romains puis à l’Occident, le droit opère par taxinomie puis par une montée en généralité qui permet l’apparition des normes et des sanctions qui les caractérisent.

Dans ses textes, le juriste peint ainsi un univers tout mental qu’il peuple d’objets et de personnages. Il compose un tableau purement intellectuel qui est pourtant le seul théâtre du raisonnement juridique. Celui-ci prend place dans cet espace clos, coupé du monde par le jeu des qualifications et de la taxinomie qui oblige les juristes à sortir du monde pour entrer dans un univers intellectuel qui devient un grand échafaudage des normes. Le formalisme et le langage font le reste. Aussi peut-on dire que le droit n’est pas naturel au sens où il est le produit de l’activité et de l’intellect des Hommes dans l’histoire [3]. S’il y a – peut-être – un droit naturel, autre que le droit positif, on conviendra qu’il ne peut exister qu’en prenant une forme intellectuelle et qu’il est au moins pour une part essentielle un acte de langage humain.

Sans vouloir aller plus avant dans ces débats qui restent vifs et ouverts [4], on peut donc admettre que l’on trouve dans le discours juridique un ensemble d’éléments qui ne sont pas tous des normes et qui sont qualifiés de « naturels ». L’auteur d’un texte juridique mêle, inextricablement, nature et droit, pour élaborer son dire vrai, pour convaincre que ce qu’il dit est juridique, au sens où son raisonnement est juridiquement et socialement juste. Le lecteur, lui-même le plus souvent juriste, destinataire principal et autorisé de la littérature juridique [5], interprète et complète ce qui fera le sens du texte. L’objet même du discours et de la dogmatique juridique [6] est bien de produire en fin de compte une vérité.

Plus particulièrement, l’enjeu est d’édifier une esthétique de la vérité que l’œil du juriste reconnaîtra car elle correspondra aux canons admis et transmis à son époque [7]. Ici le rôle de l’éducation juridique est essentiel car on observe aisément que le discours juridique correspond à une série d’attendus et de prérequis qui forment la dogmatique juridique [8]. La forme du texte, son langage et son vocabulaire comme sa présentation matérielle, texte et paratexte doivent coïncider avec une normalité qui est aussi une forme particulière. Parler de droit revient ainsi à respecter des règles souvent informelles mais bien réelles que chaque contexte fixe tout en prétendant qu’il s’agit de canons universels et atemporels [9].

S’offre ainsi à nous, en lisant les œuvres de ces juristes, praticiens et/ou professeurs, un tableau répondant à une esthétique particulière. La beauté/véracité de ce qu’il nous dépeint tiendra dans sa capacité à produire un discours à propos duquel nul juriste n’hésitera à dire qu’il s’agit bien du « Droit », le seul et unique qu’il est capable de reconnaître parce qu’il mobilise non seulement les textes primaires de ce qu’il considère comme étant des normes (constitutions, lois, décrets, décisions de jurisprudence, etc…) mais aussi, et c’est là un angle trop souvent aveugle, des références (textes secondaires souvent issus de la doctrine juridique par le jeu de l’intertextualité et de la transtextualité) et des lieux communs et des évidences qui sont également autant de vérités du discours. Or, c’est là justement que se trouve la nature.

Le tableau juridique de la nature que peint notre juriste n’est donc pas qu’un simple décor destiné à faire joli. L’esthétique dont nous parlons n’est pas celle-ci. Elle est le jeu d’ombres et de lumières ou, autrement dit, le jeu des contraires, la conjonction de l’arrière-plan théâtrale et des évidences admises qui établissent, avec les normes, la vérité de son discours. Il faut donc qu’à l’esthétique des normes réponde celle du monde dans lequel elles prennent place. C’est là la condition pour que l’ensemble du discours produise son effet esthétique de vérité. Pour le dire autrement, le juriste véhicule les lieux communs de son époque et il ne saurait être question de faire de lui un démiurge isolé ou totalement indépendant. Il est bien le produit de son temps et de sa formation professionnelle et, à ce titre, il construit son discours avec ce qu’il tient pour vrai conformément à son époque et à son groupe social de tel ou tel lieu. Son discours est bien singulier, singularité que l’on peut appeler une œuvre, éventuellement dotée de son esthétique propre, mais son texte doit être compris comme une production intellectuelle inscrite dans un temps et un lieu précis.

Pour ne prendre qu’un exemple, lire Charles Demolombe (1804-1887), célèbre professeur de droit civil à Caen, en Normandie, nous donne à voir un tableau dans lequel la nature tient une place non négligeable et tout à fait symptomatique du discours juridique de son temps [10]. Dès l’abord, en effet, le lecteur rencontre la nature très fréquemment à la lecture du fameux Cours de Code Napoléon. Elle semble constituée de

tout ce qui existe, non-seulement les objets qui peuvent devenir la propriété de l’homme, mais même tout ce qui, dans la nature, échappe à cette appropriation exclusive [11].

La nature est ainsi opposée à l’activité de l’homme, elle forme le décor des actions ou le paysage au sein duquel le droit se joue.

Cependant, loin d’être une référence objective au seul monde physico-chimique, la nature est mobilisée pour intégrer au discours non seulement la vie biologique ou les forces physiques mais également les essences et les valeurs. Est alors naturel ce que l’auteur, en l’occurrence Charles Demolombe dans notre exemple, déclare comme tel. On pourrait croire que la nature est cette chose extérieure à la volonté humaine et qui s’impose à tous, objectivement, mais il n’en est rien.

Certes on rencontre bien cette force mystérieuse et irrésistible, cette force majeure considérée comme un « empire inévitable » de la nature [12]. Certes le bien corporel ou les biens immeubles ou encore l’homme et la femme ont en effet des propriétés physiques indéniables. Les choses et les personnes, objet du discours du juriste existent bel et bien. En réalité, on constate aisément que le droit et les juristes choisissent au sein de ce qui est objectivement « naturel » ou physico-chimique, ce qu’ils qualifieront de « nature ». En quelque sorte, le droit a le dernier mot car il choisit parmi les contraintes de la nature celles qu’il veut admettre et le cas échéant étendre, et celles qu’il ignore tout simplement [13].

Ainsi une chose qui ne peut se mouvoir peut devenir un meuble et une chose qui bouge peut devenir un immeuble. Un mort peut être considéré comme vivant et un vivant comme mort. Un enfant peut avoir pour père un autre que celui que la biologie désigne pourtant. La liste est ici trop connue et trop longue pour être reprise. Demolombe le dit d’ailleurs expressément à propos des biens meubles et immeubles:

Cette différence naturelle, qui existe entre les meubles, dont les uns peuvent changer de place par une force qui leur est propre, et dont les autres ne peuvent être transportés d’un lieu à un autre que par l’impulsion d’une force étrangère, cette différence naturelle, disons-nous, n’est en droit, d’aucune importance, et ne produit pas d’ailleurs, entre les uns et les autres, de différences légales [14].

Ce qui importe in fine est que c’est le verbe ou la palette du juriste qui compose les formes du monde qu’il peint. Par sa technique propre, le juriste plie la nature et soumet le monde à ses objectifs. Les objets du décor ne sont plus « naturels » mais bel et bien juridiques, et les fictions engendrent pleinement leurs effets avec plus de force que toute réalité. Seules donc les formes dessinées comptent effectivement et la substance s’évapore sauf à être à son tour un argument juridique. Demolombe est en l’occurrence explicite:

Nous avons déjà dit que ce mot : substance, toujours métaphysique et obscur d’ailleurs, quelque part qu’on le rencontre, a pour nous, dans la langue du droit, une signification spéciale. En philosophie, en physique, on entend par substance l’essence inconnue, cachée sous les qualités, sous les modes […] Pour nous, en effet, jurisconsultes, la substance, c’est l’ensemble des qualités essentiellement constitutives des corps, de ces qualités, qui font que les choses ont une certaine forme et un certain nom [15].

Ici, contrairement sans doute aux juristes romains, la nature christianisée devient création divine et c’est alors qu’elle est pleinement assimilée aux essences et aux valeurs. La nature des juristes s’éloigne encore un peu plus du monde sublunaire, physique et métaphysique se mêle inextricablement. Tel comportement devient naturel alors que tel autre est contre-nature, le bon père de famille incarne ce qu’il est normal ou « naturel » de faire ou de ne pas faire sans égard envers ce que peut pourtant nous apprendre par ailleurs l’observation, les sciences de la « nature », la médecine ou encore la sociologie et l’anthropologie. Les fictions, essentielles, sont aussi réelles que les choses environnantes ou la biologie. Comme l’écrivait Yan Thomas, « les objets du droit ne sont que des objets sociaux » [16]. C’est alors un nouveau décor composé de lieux communs qui peuple le tableau dans lequel s’insère l’activité proprement juridique. Est juridique non seulement la norme mais également le cadre dans lequel elle s’insère. Le décor se confond avec le scénario - les actions - et les acteurs eux-mêmes sont des êtres artificiels. La relativité du discours s’efface pour faire place aux certitudes d’un droit créé par l’assemblage hétéroclite de règles venant à la fois d’un corpus de normes mais également de vérités considérées comme invariables car naturelles. La nature fonde alors l’esthétique d’un discours composé de purs artefacts considérés et mobilisés comme des réalités intangibles et universelles ou, du moins, à vocation universelle.

Ainsi donc, au cœur du discours de Demolombe, comme de nombreux autres membres de la doctrine française et sans doute ailleurs, la nature trône à la fois au centre et à la périphérie du tableau du droit, elle est à la fois un fondement et une justification. A priori simple élément du décor, elle ne se contente nullement de peupler le droit d’objet et de contraintes diverses et variées externes à l’Homme. Elle est un artefact mobilisé pour justifier et légitimer les choix des Hommes. Il s’agit donc bel et bien d’une nature pleinement anthropisée [17], devenue sociale, humaine, voire trop humaine, asservie à l’utilité et à nos désirs insatiables. Loin du monde physico-chimique, elle est ce que l’homme en dit dans une perspective nominaliste et il n’y a même plus d’opposition entre nature et culture car tout est devenu, de fait, culturel [18]. Où que l’on regarde, la main de l’homo juridicus a façonné la réalité et la nature, donnée observable, disparait presque totalement. Comme dans une peinture romantique, elle n’est que l’expression d’un besoin, d’un état d’âme, de sentiments ou d’idées. Les arbres ne sont plus des arbres et le temps peut être suspendu, seules peut-être la gravité et quelques lois physiques évidentes continuent leur œuvre dans le monde du droit. La nature, en quelque sorte, n’existe plus en tant que telle mais apparaît sous la forme voulue par l’auteur du discours. Elle devient un sujet auquel le littérateur prête des intentions et des fins. Ses couleurs et ses formes sont des inventions qui répondent à la volonté du juriste-démiurge qui se joue habilement de ses forces et de ses mécanismes. Comme un peintre, le juriste donne forme à un univers mental qu’il esthétise et rend vrai par un tour de passe-passe digne du meilleur des artistes. Sans renoncer à l’esthétique ou à la poétique du discours juridique, gardons-nous donc de prendre la représentation juridique de la nature ce qu’elle n’est pas et n’oublions pas que le monde physico-chimique fait bien plus que nous entourer car il nous englobe et détermine nos vies.


Bibliographie

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NOTE

[1] Il s’agit d’une étude d’histoire de la pensée juridique qui prend le discours des juristes au sérieux et qui considère que le droit est une littérature singulière. Sur cette approche, marginale au sein du mouvement Law and Literature et qu’il ne pas confondre avec le droit vu par la littérature, cf. Kasirer (dir.) (2013) ; Normand (2017), pp. 425-456.

[2] On se reportera, bien entendu, aux travaux de Schiavone (2008).

[3] Cf. notamment Halpérin (2010), pp. 295-313.

[4] Dans une immense bibliographie, cf. deux approches différentes et stimulantes : Irti (2013) ; Stolleis (2014), pp. 137-149.

[5] La littérature juridique produite par les juristes s’adresse, spécialement en France, principalement aux juristes eux-mêmes. Cela ne signifie nullement qu’il n’existe pas une littérature relative au droit ouverte aux non-juristes. Sur ce point, cf. Guerlain/Hakim (dir.) (2019) ; Guerlain/Hakim (2018), pp. 211-252.

[6] Sur ce point, on pourra se reporter à notre étude, Hakim (2011), pp. 71-83.

[7] Pour une approche des formes littéraires des juristes, outre les références de la note 1, cf. notre étude, Hakim (2014), pp. 171-187 ainsi que, dans un registre différent, Teissier-Ensminger (2015).

[8] Notons que nous parlons bien ici du discours des juristes et non des normes elles-mêmes qui relèvent d’une esthétique connexe à celle des textes écrits par les juristes. Sur l’esthétique des normes, cf. Teissier-Ensminger (1999) ainsi que (2004). De plus, notre propos ne porte pas sur le rôle que peut jouer le droit dans le jugement esthétique. Sur ce point, cf. notamment Makowiak (2004).

[9] Cf. Audren/Halpérin (2013), notamment pp. 59-110.

[10] Sur Demolombe, cf. également nos études, Hakim (2020), pp. 297-308 ; (2019), pp. 89-108 ; (2017).

[11] Demolombe (1861a), n° 9.

[12] Pour un exemple significatif relatif aux alluvions : « Comme si les fleuves et les rivières avaient besoin de la permission du législateur, pour rouler leurs eaux au gré des mystérieux et irrésistibles mouvements qui les entraînent ! Comme si cet empire, ou comme on dit encore, cet absolutisme des eaux courantes n’était pas l’œuvre de la nature elle-même, empire inévitable, dont le législateur chercherait en vain à les déposséder, et dont la seule prétention peut être de régler le plus équitablement possible des conséquences. Il faut donc reconnaître qu’il y a là une force majeure, une force souvent capricieuse et aveugle sans doute, dont les lois ne peuvent pas toujours redresser les torts ni réparer les injustices » Demolombe (1861b), n° 5.

[13] Cf. spécialement Thomas (1988), pp. 27-48 et (2011). Ce dernier écrit : « Loin de fonder des normes, la nature, selon les juristes des IIe et IIIe siècles, prépare seulement le terrain pour les étendre en dehors des lois. Loin d’aider à penser les interdits, elle est mise au service de leur extension. Si l’on considère à l’inverse que le droit de Justinien stigmatise les crimes « contre nature », et qu’en général les Pères de l’Église postulent une équivalence entre Loi divine révélée et droit naturel inscrit dans le cœur des hommes, selon la formulation paulienne de la loi morale universelle, il devient indispensable de prêter attention à cette originalité de l’éthique romaine du droit. Il n’est pas, selon cette éthique, d’autre source du droit que les lois et les mores de la cité. » et il peut conclure qu’en réalité, « la nature est destituée », car c’est « dans le droit [que] s’inscrit la nature » (pp. 25-26).

[14] Demolombe (1861a), n° 393.

[15] Demolombe (1861b), n° 222.

[16] Thomas (1999), pp. 13-15.

[17] Sur cette question, cf. spécialement Larrère C./Larrère R. (2009).

[18] Il faut noter ici que justement la modernité est fondée sur une séparation entre nature et culture et que le droit vient peut-être jouer un rôle décisif dans la domination par l’homme de la nature. Plus largement, cf. Descola (2005).